En Route Pour Le Mont Godard
A l’aube, ils étaient prêts.
C’est avec émotion qu’Aroth leur donna des
provisions. En peu de temps, il leur répéta maintes fois de faire attention.
Ulys sella Melo. Aroth attira son attention; dans sa main, il tenait une épée.
« Voici mon épée, je te la donne. Je la possède
depuis des années je ne l’ai jamais utilisée, elle est fine et pas trop longue,
elle devrait te convenir» Ulys contempla cette épée comme un véritable trésor.
Il les embrassa une dernière fois. La larme à
l’œil il les vit s’éloigner.
Ils prirent la route de l’Est en direction des
montagnes. Selon Ulys, cela leur prendrait à peu près quatre à cinq jours pour
atteindre le Mont Godard. Ils suivraient la route de l’Est jusqu'à la forêt des
pensées. Puis, ils prendraient les sentiers à travers la forêt jusqu’au pied
des montagnes.
La route qui menait à la forêt traversait
principalement des plaines. Le long de ce paisible chemin, ils restèrent
silencieux, ils se remémoraient leurs aventures survenues jusqu’à ce jour.
Ulys sortit de sa rêverie et fît part à Maya de sa
déception de ne pas être devenu chevalier. Elle, de son côté, lui décrivit
l’effet que lui avait fait, le géant qui l’avait battu.
Elle
n’avait jamais vu un être de cette corpulence, elle le comparait à un éléphant.
Ulys ne savait pas ce qu’était un éléphant, il n’y avait rien de tel dans son
monde. Du moins pas qu’il ne sache. Puis, ils se turent. Maya se mit à chanter,
d’une voix douce et envoûtante. De
cette voix enchanteresse, Ulys se laissa envahir, il se mit à rêvasser. Il se
voyait défendre la veuve et l’orphelin; combattre l’injustice était un des
sujets auquel il pensait régulièrement.
Maya se rappelait ces moments passés en famille,
quand ils sortaient. Ils prenaient la voiture et il y avait toujours ce moment
magique, où sa mère commençait à chanter et que le reste de la famille
reprenait en chœur. C’était un moment de parfaite osmose, une communion entre
tous les membres de la famille,
où ils oubliaient leurs
différents. Les individualités disparaissaient, ils
devenaient un tout. Ses frères qui la taquinaient sans arrêt, sa mère … Elle
chérissait tous ces moments.
Ils s’arrêtèrent pour manger un morceau. Au milieu
des plaines, ils restaient silencieux, contemplaient ces vastes contrées, et essayaient
d’imaginer ce qui se dessinait face à eux. Jusque là, Ulys avait une
parfaite idée de ce qui
l’attendait depuis qu’il avait parcouru la plupart du Royaume, mais là, il
rejoignait Maya dans son ignorance. Ils aborderaient bientôt la forêt des
Pensées, une partie du Royaume très peu
habitée, qu’Ulys n’avait jamais approchée.
Ils reprirent le chemin et s’arrêtèrent dans un
petit bois pour bivouaquer. La nuit se passa paisiblement.
Ils continuèrent sur un train de sénateur jusqu'à
midi où ils atteignirent la Forêt des
Pensées. Ils prirent leur déjeuner, et pénétrèrent
dans la forêt. La forêt faisait des centaines d’hectares, ils devraient la traverser en diagonale, du Nord-ouest au Sud-est
afin d’arriver au pied des montagnes d’Altador. Les chemins étaient sinueux.
Parfois, la forêt était tellement dense qu’ils devaient descendre de cheval
pour avancer. A la tombée de la nuit, ils s’apprêtèrent à trouver un endroit
propice pour dormir. Maya communiqua à Ulys qu’elle avait eu le sentiment
qu’ils étaient suivis depuis leur entrée dans la forêt. Ulys n’avait rien
remarqué d’anormal: il avait bien sûr entendu des bruits d’animaux mais rien
d’alarmant. Ils entendirent un hurlement, Ulys se remémora immédiatement la
légende d’Utaka, la reine des loups. Avec l’histoire des Anthrolites occupant
la plupart de ses pensées, il en avait oublié cette histoire colportée dans
tout le royaume.
Ils étaient maintenant sur son territoire, et
étaient probablement déjà encerclés.
« AAAOOOOOOOOOOUUUuuuuuuuuu » purent-ils entendre
« On dirait un hurlement de loup » s’écria Maya
«C’est exactement ça ».
Le peu de lumière que la lune filtrait entre les
arbres laissait percevoir des yeux perçants. Des grognements se firent
entendre.
Ulys bondit sur le dos de Melo, aida Maya à monter
et poussa Melo au galop. Des loups
de différentes tailles surgissaient des bois à vive allure et de tous les
côtés. Certains étaient aussi gros que Melo. Ulys décocha son épée. Maya
s’accrochait à lui de toutes ses
forces.
Ils foncèrent droit sur celui qui paraissait le
plus gros, Ulys lui donna un coup d’épée en pleine gueule. Ils passèrent.
Poursuivis par la horde de loups, ils slalomèrent entre les arbres. Melo fit
preuve d’une agilité
extraordinaire. A gauche, à droite, hop… une énorme racine esquivée par
un saut. Les loups étaient juste
derrière eux, à seulement quelques pas. Puis, d’un seul coup, plus
d’assaillants, ils avaient subitement disparus. Le silence s’installa. Ulys mit
Melo au pas afin de rester attentif.
« Ils sont toujours là » dit Maya
Soudainement, ils entendirent un bruit, ils
reprirent le galop quand un loup sauta sur eux. Il ne fit qu’ébranler le
postérieur de Melo. Après quelques instants, Ulys s’aperçût que Maya avait été
désarçonnée. Il la chercha du regard, mais ne la voyait pas. Il retourna sur
ses pas. Il l’entendit finalement crier. Il se dirigea vers elle. Il galopait à
sa rescousse quand il fut stoppé net dans son élan par quatre loups de la
taille de Melo. Ulys n’attendit
pas que les loups l’attaque et chargea le premier. Son épée pointée vers l’avant, il fendit le rang formé par
les loups. Il n’en toucha aucun. Les loups, qui avaient esquivé son attaque, se
mirent en chasse.
Pendant ce temps, Maya, après sa chute de cheval,
était restée à terre, abasourdie quelques secondes. Cela jusqu’au moment où
elle fut confrontée nez à nez avec un loup. Elle saisit une branche qu’elle
avait trouvée au sol et frappa le
museau du loup. Puis elle se mit à courir aussi vite qu’elle le pouvait en
poussant des cris stridents. Elle courut à en perdre haleine. A bout de
souffle, elle courait en ligne droite et sans se retourner. Elle trébucha à quelques reprises,
s’égratignant les genoux et les coudes.
Mais
sa peur la faisait se relever et reprendre sa course
effrénée. Elle avait le sentiment que les loups étaient encore
après elle. Un sentiment d’horreur la parcourut
quand elle se retrouva face à une falaise. Prise au piège, effrayée, elle resta
tétanisée. Elle put voir les yeux brillants de ses bourreaux, puis leurs corps
monstrueux dans leur totalité. Cinq loups lui faisaient face. Dont un, beaucoup
plus grand que les autres. Ce dernier se détacha des autres. Il s’avança vers
elle, les autres restèrent en retrait. Ils se fixèrent mutuellement droit dans
les yeux. L’énorme loup aux yeux dorés s’approchait de façon lancinante. Elle
pouvait maintenant contempler son pelage tout blanc, d’un blanc immaculé. Elle sentait la fin de sa jeune
vie toute proche. Trois pas, deux pas, un pas…
Ulys qui venait juste de franchir les rangs des
loups était toujours à la recherche de Maya, quand une des bêtes sortie de nulle part,
agrippa une des jambes de Melo. Le cheval
s’affaissa, Ulys fut propulsé
quelques mètres plus loin. Il se releva précipitamment et vit Melo
s’enfuir. Il repéra son épée au sol, quelques mètres plus loin, il se précipita
vers elle.
Un loup le prit en chasse et lui sauta dessus, la
gueule grande ouverte. Ulys se
coucha à plat ventre afin de l’éviter. Il se releva immédiatement, saisit son
épée et sentant venir le loup, il se retourna et avec la force de rotation
assena un coup terrible à la bête qui s’en trouva assommée. Les trois autres
loups se présentèrent devant lui. Leurs crocs étaient de la taille d’une dague.
Un combat d’une atroce intensité s’engagea. Un coup de croc par ci, un coup
d’épée par là, un coup de griffes, une esquive, un contre, une parade. Ulys se
faufilait dans les bois.
Il savait que, s’il voulait venir à bout de ses
opposants, il devait réussir à les séparer. Les loups coordonnaient leurs
attaques et restaient groupés. Cette tactique finit par fatiguer Ulys. Un coup de griffes atteignit alors son
épaule. Il disparut en contournant un
arbre, puis réapparut.
Soudainement, il abattit son épée sur la tête d’un des loups. Plus que deux
pensa t- il. Mais avant de pouvoir
relever la tête il reçut un autre coup de griffe, dans le dos cette fois.
Il
était sacrément affaibli maintenant. Épuisé par la durée du combat et ses blessures, il se sentait très
éprouvé. Malgré tout, il se mit en garde faisant face aux loups. Comme un entendement, les deux loups restants
se décidèrent à charger. Le premier sauta sur Ulys qui l’envoya valser d’un
coup d’épée. Le second suivit, en l’attaquant à son tour. Ulys eut à peine le
temps de mettre son épée devant son corps afin de se protéger. Il tomba à la
renverse, ils roulèrent sur quelques mètres. Ils s’immobilisèrent. Ulys profita
que le loup se trouvât au- dessus
de lui pour glisser son épée dans la gueule de l’animal. D’un coup de croc
rapide, la bête lui arracha l’épée des mains avec une facilité
déconcertante. Il était maintenant à sa merci. Ulys leva
la tête et put entrevoir Maya face à face avec un immense loup.
Maya était à un doigt de se faire dévorer par cet
animal impressionnant. Les deux adversaires se regardaient dans le blanc des yeux; le loup grognait.
Ulys ne pouvait qu’observer, impuissant et
épuisé. Ce sentiment d’échec eut
raison de lui et ses yeux se remplirent de larmes.
Sans raison apparente, Maya se relaxa, toute anxiété
et toute inquiétude la quittèrent. Elle ne s’était même pas aperçue de la présence d’Ulys.
Le
loup desserra les dents. Les deux protagonistes furent
subitement apaisés, leurs esprits se rencontrèrent et l’improbable se
produisit, ils communiquèrent, une communion totale et parfaite, comme si ils
ne formaient qu’un. Maya avait accès a toutes les émotions du loup et de son
vécu.
Maya apprit qu’elle avait à faire à la reine des
loups, Utaka. Celle-ci s’inclina devant Maya, hurla et se retira avec ses
troupes. Durant ce tête-à-tête, Maya avait reçu plusieurs informations, Ulys
agonisant, restait incrédule devant cette scène mais savait que cette fille
était spéciale, c’est tout ce qu’il avait besoin de savoir. Maya lui expliqua
qu’ils ne risquaient plus rien et tant qu’ils resteraient dans la forêt des
Pensées, ils seraient à l’abri. Elle pansa les blessures de son compagnon
d’infortune. Melo réapparut et ils passèrent la nuit sur place.