Rencontres inattendues
Au petit matin, ils se remirent en route, cette
fois à une allure très mesurée. Ulys ressentait les effets de son combat avec
les loups, courbatures, bleus et quelques plaies dues aux griffures reçues. Ils
se faufilaient au travers de la forêt. Ils avaient certainement perdu un peu de
temps durant leur mésaventure. Tous les coins de la forêt se ressemblaient, il
n’y avait aucun signe d’âme qui vive. Les seuls bruits qu’ils entendaient
étaient le bruit du vent qui agitait les feuilles des arbres ainsi que le bruit
des animaux décampant à leur arrivée. Ils avancèrent pendant quelques heures,
mangèrent vers midi et continuèrent leur chemin.
Après un bon moment, ils entendirent un son
bruyant qui venait rompre l’harmonie qui les entourait.
Un
son répétitif et retentissant. Puis ils entendirent comme une voix grave et
amusée.
« Oooh oooh oooh »
Un arbre s’effondra en leur direction.
Ulys, très prompt comme d’habitude, réagit le
premier et extirpa Maya de la
trajectoire de l’arbre. Ils se dirigèrent vers le tronc de cet arbre
fraîchement abattu. Arrivés près de
celui-ci, ils aperçurent un homme à
la carrure impressionnante,
qui n’était pas sans rappeler à Ulys le monstre qui l’avait battu lors du
tournoi d’Ecclesia. L’homme était de dos et se désaltérait. Ulys tenta une
approche peu courtoise
« Hey »
L’énorme masse se retourna lentement. Il avait
l’air totalement ahuri par leur apparition.
« Que f’sez vous ici » leur demanda t’il avec une
voix grave et mâchant ses mots.
Ulys, la main sur le pommeau de son épée, répondit:
« Nous cherchons à traverser cette satanée forêt
afin d’atteindre les montagnes ».
Sans attendre de réponse, Maya mit la main sur
l’épaule d’Ulys, lui sourit et s’approcha de ce gigantesque individu. Elle lui sourit également
afin de l’attendrir, lui tendit la main et se présenta :
« Je suis Maya, je viens d’une autre planète, et
nous cherchons avec mon ami Ulys ici présent le moyen de me renvoyer chez moi.
»
Le géant ne comprenait pas tout et de manière
générale ne cherchait pas à comprendre. Il saisit la minuscule main de Maya
dans la sienne et répondit :
« Je su Beramute le buch’ron, fils de Berami
l’grand buch’ron d’la Fret des Psées»
Beramute n’avait que peu souvent vu d’étrangers. A
sa connaissance, lui et son père étaient les deux seuls individus vivant dans cette forêt. Le
peu de personnes s’y aventurant ne tombaient pas toujours sur eux ou étaient
des marchands venant acheter le bois à bon prix. Il ne sortait que rarement des
bois, seulement pour faire
quelques courses au village le plus proche.
Ainsi, Ulys et Maya découvrirent qu’ils s’étaient
déportés très a l’Est de la forêt durant leur mésaventure.
Beramute était de bonne nature, quelqu’un de peu
méfiant. Il se livra complètement auprès de ses deux visiteurs. Ils apprirent
qu’il venait juste de fêter ses 20 ans, qu’il avait toujours vécu ici, seul
avec son père depuis que sa mère était partie pour des raisons inconnues quand
il n’était encore qu’un petit garçon.
Il leur offrit l’hospitalité. Ulys toujours
affaibli refusa à contre cœur, ne voulant pas perdre davantage de temps. Mais
Maya le persuada du bien fondé de cette idée. Le géant leur expliqua que Berami
son père était parti à la ville pour quelques jours afin de régler quelques
affaires. Il ne serait de retour que dans deux jours. Ils lui tinrent compagnie
pendant ce temps.
Beramute permit la guérison rapide d’Ulys grâce à
quelques remèdes dont il avait le secret. Ils se racontèrent toutes leurs
anecdotes. Maya décrit son monde, elle essaya de décrire au mieux toutes les
avancés technologiques de son monde et leurs utilités, un concept qui leur
échappait, cela leur semblait plus des futilités. Voitures, trains, avions
n’étaient qu’une course après le temps qui selon leurs valeurs n’avait aucun
intérêt. Beramute s’attacha très vite à eux, et eux à lui.
Au point
qu’ils lui offrirent de les accompagner. Beramute, songeur, baissa la tête, et
leur expliqua qu’il ne se voyait pas abandonner son propre père.
Le soir venu, Berami arriva. Ulys et Maya avaient
décidé de partir le lendemain matin. Berami était gigantesque, de la même hauteur
que son fils mais avec une carrure encore plus imposante. Berami était aussi
très accueillant, un bon vivant qui savait conter les histoires de façon
attrayante. Son rire était monstrueux mais communicatif. Après avoir ri aux
éclats, ils allèrent se coucher.
Tôt le matin, ils s’apprêtèrent à partir, ils se
dirent au revoir, après quelques embrassades, un Beramute larmoyant se résolut
à les laisser partir. Son père l’observa intensément et le tira de sa
rêvasserie en disant:
« Qu’attends tu fils ? Voici ton baluchon tu ne
crois tout de même pas que je vais t’entretenir toute ta vie ! »
Il embrassa son père qui à son tour avait les
larmes aux yeux. Beramute se mit à courir derrière ses deux nouveaux amis, ce
qui ne passait pas inaperçu. Il connaissait ces bois par cœur, ils seraient en
fin de journée au pied des montagnes. C’était la première fois qu’il avait des
amis depuis qu’il avait été interdit de jouer avec les autres enfants. Une
fois, ne maitrisant pas sa force, il avait gravement blessé un enfant du
village en chahutant avec lui.
Au loin, ils pouvaient apercevoir les montagnes
depuis la mi-journée. La nuit tombait, ils décidèrent de camper avant d’entamer
l’ascension des montagnes.
Au premier rayon de soleil, ils entamèrent leur
périple. Ils devraient contourner le premier mont qui était trop abrupt. Aux
alentours de midi, cet obstacle était franchi.
Ils
commencèrent à grimper avec une étonnante débauche d’énergie. Après deux jours
d’une extrême intensité, ils
avaient parcouru la moitié du chemin. Ils avançaient maintenant sur un plateau
en altitude. Maya fit une pause et déclara
« On nous observe »
Ulys sur un ton anxieux mais solennel répondit :
« Soyons vigilants et continuons à avancer »
Après un bref moment, une pierre flottante dans
les airs, apparut. Ce projectile était destiné à la tête d’Ulys, mais ce
dernier, esquiva.
D’un ton vigoureux il ordonna:
« Surtout restons groupés, Maya reste entre moi et
Beramute ! »
Des jets de pierres arrivèrent de toutes parts.
Ulys réussit à les esquiver et celles-ci n’eurent aucun effet sur Beramute.
Une attaque fut lancée par des êtres de petite
taille, longilignes et d’une vivacité rare, Des êtres gris, vêtus de lambeaux
en guise de vêtements, les dents pointues et de tout petits yeux bondissaient
de partout. Ils possédaient des lassos, des filets et des dagues fabriquées à
partir de pierres. Ulys fendit un filet en deux. Beramute malgré ses poignets
entravés par des lassos envoya balader six de ces créatures qui essayaient de
l’immobiliser. Devant l’échec de cette tentative, les assaillants se
replièrent.
Les trois compagnons restèrent sur leurs gardes un
bon moment, à l’affût d’une autre offensive. L’orage semblait être passé. Ulys
savait maintenant à quoi ressemblait les Anthrolites ; des créatures dont le
plus grand spécimen faisait facilement une tête de moins que lui mais qui
possédaient une rapidité et une agilité redoutables.
Ils étaient soulagés d’être sortis entiers de
cette embuscade mais redoutait néanmoins une prochaine confrontation. Ils
comprenaient maintenant certaines légendes qui entouraient ces êtres mystérieux. Ils
continuèrent leur chemin. Après
quelques heures de marche, ils
empruntèrent un passage étroit entre deux parois de montagne, Beramute et Melo
en tête. Maya les avertit qu’elle ressentait de nouveau une présence hostile.
Ils se tenaient sur leurs gardes, Ulys craignait une embûche mais ils n’avaient
d’autre choix que de passer par ici. Ils entendirent un bruit, ils levèrent
la tête; un énorme rocher déboulait sur eux.
Ils se
dégagèrent du passage, mais se retrouvèrent séparés. Beramute accompagné de
Melo d’un côté, Maya et Ulys ensemble de l’autre côté. Beramute se plaçant
devant Melo afin de le protéger fut assailli par une dizaine d’ennemis, un
filet lui fut lancé dessus. Employant une force surhumaine il déchira les
mailles du filet et envoya balader tous ses assaillants. Ces derniers possédant
lances et dagues, le tenaient en joug, cependant ils hésitaient à charger.
Beramute saisit deux lances et les brisa. Deux Anthrolites téméraires se
jetèrent sur lui. Le premier lui planta ses dents pointues dans l’épaule.
Beramute saisit l’agresseur d’une main et l’assomma contre la paroi
qui se trouvait à sa droite. En même temps, il saisit l’autre inopportun
de l’autre main et l’envoya valser
quelques mètres plus loin. Plusieurs vagues successives d’assaillants
déferlèrent sur lui…
De l’autre côté du rocher se déroulait un combat
similaire. Avec son épée, Ulys repoussait les assauts les uns après les autres.
Maya lançait des pierres avec une précision déconcertante, faisant mouche a
chaque fois. Néanmoins, les combattants étant en supériorité numérique, ils
savaient qu’ils auraient bien du mal à tous les neutraliser.
Beramute était lui, à égalité avec ses
adversaires, la force contre le nombre. Ses opposants le craignaient mais n’abdiquaient point. Les deux partis
étaient essoufflés. Une autre vague d’assaillants s’apprêtaient à émerger quand
une voix intervint.
Un Anthrolite se tenant en hauteur les
interrompit, il s’adressa aux autres dans un langage incompréhensible et des
contestations se firent entendre. Après un moment de négociation, ils
disparurent et rejoignirent leurs compagnons de l’autre côté du rocher. Le
mystérieux Anthrolite fit un sourire à faire froid dans le dos à l’encontre de
Beramute et rejoignit ses congénères.
Beramute pouvait entendre le combat qui faisait
rage de l’autre côté. De trop forte corpulence, il lui était impossible d’escalader les parois
du rocher, alors il essaya de le pousser. Aussi fort qu’il était, il n’émut pas
le moins du monde ce gros caillou. Il poussa un cri de rage reflétant son
impuissance.
Ulys et Maya étaient maintenant opposés au double
d’assaillants, ils étaient
totalement encerclés. Si déjà la lutte était difficile auparavant, elle
relevait de la mission impossible maintenant. Ulys fit
virevolter son épée qui eut pour résultat
de défaire trois ennemis simultanément.
Puis il remarqua un attroupement dans les arrières
rangs des Anthrolites. Il lui semblait voir un désaccord qui semait le trouble
entre eux et un début de bagarre. Du moins c’est ce que pensa Ulys en premier
lieu.
Quand Maya soupira :
« Utaka »
A ce moment trois énormes loups apparurent
transperçant les rangs adverses, les mettant rapidement en déroute.
Beramute qui maintenant n’entendait plus de bruit
était rongé par l’inquiétude.
« Y’a quelqu’un ? »
Ulys le rassura et il escalada le rocher pour le
rejoindre, Maya monta sur le dos d’Utaka, elle- même suivie par ses fidèles gardes
du corps. En deux bonds, toute cette petite troupe fut à son tour de l’autre
côté.
Utaka expliqua à Maya que, au moment de quitter le
refuge du bûcheron, elle lui avait demandé de venir. Maya se souvenait d’avoir
pensé qu’il serait préférable d’avoir la reine des loups à ses cotés durant
leur périple mais n’avait jamais imaginé qu’elle avait des pouvoirs de
communication à distance avec Utaka.
Ils continuèrent leur route, accompagnés des
loups. Il était peu probable que les Anthrolites tentent leur chance de
nouveau.
A la nuit tombée, ils établirent un camp. Ils
discutèrent autour du feu, se congratulèrent mutuellement et se réjouissaient
d’avoir survécu aux Anthrolites et de pouvoir ainsi les décrire.
Si Maya et Ulys pouvaient expliquer leur survie grâce
à l’arrivée des loups, Beramute était obsédé par le sourire de ce mystérieux
Anthrolite qui était intervenu en sa faveur et avait ainsi dissipé l’attaque
qui lui était destinée. Il s’endormit sur ces pensées.
Il leur fallut deux jours supplémentaires pour
atteindre le Mont Godard. Il ne restait plus qu’à le gravir pour en atteindre son
sommet enneigé.
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