En route pour Catsu
Maya et ses compagnons étaient partis depuis
plusieurs jours, escortés d’une dizaine de Budokai. Ils se dirigeaient droit
vers le bois du Catsu. Ils espèraient atteindre la forêt en un peu plus d’une
semaine. Toutefois ils ne savaient pas
combien de temps cela prendrait de trouver le temple dont personne ne
connaissait l’exact emplacement. Ils traversèrent plaines, vallées, champs de
riz. Ils longèrent pendant plusieurs jours le Ryu, le plus grand fleuve du
pays. Après neuf jours, ils arrivèrent à
l’orée du bois du Catsu. Tous les Budokai connaissaient les légendes de ce
bois, ils se regardaient dans le blanc des
yeux et s’apprêtaient à y pénétrer non sans une certaine appréhension.
Ils marquèrent une halte de quelques minutes, Ulys
examinait l’entrée la plus propice. Maya percevait une sensation étrange émanant
de la forêt. Ils entrèrent, le vent effleurant les feuilles provoquait un
sifflement qui s’apparentait au
gémissement de fantômes.
Après quelques centaines de mètres, les arbres se faisaient de plus en
plus nombreux. Il y avait moins d’espace, la lumière ne filtrait que
difficilement, il faisait maintenant très sombre.
La nuit tombait et Ulys ordonna de bâtir le camp.
Il envoya deux hommes collecter du bois sec afin d’établir un feu.
Le camp se montait tranquillement. Tout à coup, un
cri d’effroi retentit, tout le monde se tut, et regarda attentivement en
direction de la provenance de ce cri. Le silence le plus complet était de mise.
Ils mirent tous la main sur le pommeau de leur arme. Soudain, un homme surgit
de la forêt courant à vive allure; il s’agissait d’un des deux Budokai
collectant le bois.
« Un monstre, un monstre ! » il ne s’arrêta pas, traversa
le camp à toutes enjambées. Il essaierait probablement de sortir du bois sans
demander son reste. L’assemblée le regardait d’un air dubitatif, tous en
alerte, prêts à combattre. Un autre cri
retentit, provenant de nouveau du Budokai en déroute. Après quelques minutes de
tension, Ulys déclara
« Je veux deux hommes qui montent la garde et qui
se relayent toutes les trois heures. Nous resterons groupés, personne ne se met
à l’écart. »
Utaka grogna. Aux abois, elle ne ferma pas l’œil
de la nuit.
Au réveil, tout le monde était présent. Ils
reprirent leur progression. Les passages étaient étroits, les obligeant à se
positionner en file indienne. Ulys ouvrait le pas, immédiatement suivi de Maya
accompagnée d’Utaka puis de Beramute et enfin des huit Budokai.
Après quelques heures de marche, ils arrivèrent à
un marécage. Ulys se retourna et s’aperçut qu’il ne restait plus que quatre
Budokai, les quatre autres s’étaient évaporés sans un bruit.
« Cette forêt est maléfique » lança un des Budokai
terrorisé. Maya se sentait de plus en plus mal à l’aise, elle était en sueur.
Ulys lui demanda si tout allait bien. Elle lui
rétorqua qu’elle avait cette même impression déjà ressentie chez l’apothicaire.
Utaka franchit
le marécage d’un
bond agile. Ulys
lui lança une
corde à laquelle
ils s’accrochèrent tous, chacun
leur tour afin de franchir le marécage. Ils marchèrent pendant plusieurs jours.
Ils avaient perdu deux nouveaux Budokai. Les provisions allaient commencer à
leur manquer. Ils avançaient toujours vers le Nord-est.
Ils pensaient qu’ils auraient dû sortir de la
forêt depuis un certain temps. L’incertitude et l’incompréhension s’emparaient
d’eux. Maya avait
de plus en
plus mal à
la tête. Elle commençait à distinguer une voix lui
résonnant à l’esprit. La voix murmurait quelque chose qu’elle ne parvenait pas
bien à distinguer. Des images se superposaient devant ses yeux alternant entre
cette forêt interminable et une grande prairie. Les images se superposaient de
plus en plus rapidement, la voix devenait de plus en plus distincte.
Soumise à cette danse infernale d’images, elle
pensait qu’elle allait s’évanouir. Puis l’image de la forêt s’évapora pour
laisser place à la vision bien nette de la prairie. Elle s’arrêta, regarda
autour d’elle et poussa un cri d’horreur. L’homme qu’elle avait vu dans sa
vision chez l’apothicaire, vêtu d’un kimono bleu foncé et d’un masque de
monstre affichant un sourire diabolique, se tenait debout devant un temple.
Ulys et Beramute se retournèrent, mais ne pouvaient plus la voir.
« Maya ! » criaient t’ils « Où es- tu ? »
La voix disait et répétait sans cesse « Vous êtes
dans la forêt dense, vous vous dirigez vers le Nord-est »
L’homme au masque de monstre se tenait là,
immobile. Maya put entendre « Vous êtes encerclés par le feu »
Tous, à l’exception de Maya, s’écriaient : «
Attention le feu, attention ! »
Maya pouvait aussi voir le feu, mais elle n’en
sentait pas les effets. Instinctivement, elle pensa très fort à de l’eau, et
une vague d’eau vint engloutir les flammes qui l’entouraient. Alors, elle leur
cria « Calmez vous, il n’y a pas de feu »
Ils ne l’entendaient pas, elle pouvait les voir
courir dans tous les sens au milieu de la prairie, Ulys se couvrant le visage
avec un morceau de tissu humidifié et l’appelant sans cesse.
Tout à coup, des lances arrivaient sur Maya. Elle
ferma les yeux en imaginant un énorme bouclier et un bouclier arrêta net les
lances qui s’évaporèrent.
Instinctivement, elle comprit qu’il s’agissait d’une guerre de
l’esprit, tout n’était qu’illusion. Un combat entre elle et l’homme qu’elle
apercevait dans la pairie se dessinait, une lutte où elle devrait utiliser son
imagination.
Son adversaire envoya un lion; alors, elle fit
apparaître une cage autour de lui. Le ciel se couvrit, les nuages
s’accumulèrent rapidement, le ciel était totalement gris. Un coup de tonnerre
retentit et un éclair arriva sur elle. Elle imagina un gigantesque paratonnerre
pour le canaliser. Une tornade se rapprochait dangereusement, elle fit
apparaître un temps paisible et ensoleillé. Elle commençait à prendre goût à ce
jeu. Il fit alors abattre une météorite qu’elle fit immédiatement disparaître
dans un trou noir. Avant qu’il ne puisse attaquer de nouveau, elle fit
apparaître un lance-roquette.
Son opposant fut surpris car il n’avait jamais vu
ce genre d’arme. Profitant du moment d’hésitation de son adversaire, elle
pressa la détente. Voyant la roquette arriver sur lui, il fit apparaître un
énorme bouclier. Malheureusement pour
lui, il n’avait pas anticipé les répercussions de cette arme inconnue et une
très forte explosion se produisit.
Instantanément toutes images fantasmagoriques
furent dissipées, Ulys et les autres se trouvaient maintenant dans la
prairie, complètement ahuris et se demandant bien ce qui leur arrivait. L’homme
au masque étrange se tenait là, immobile. Maya le regardait attentivement.
Alors, son masque se fendit en deux, laissant place à un visage humain, un
homme aux cheveux grisonnants. Il tomba à genoux et lâcha ces quelques mots:
« Qui es tu ? » puis il perdit connaissance.
Derrière lui se tenait un temple dont deux poutres
rouges en déterminaient l’entrée. A l’intérieur, on pouvait apercevoir une
statue en or, avec dans une main une boule transparente et l’autre, dont la
paume grande ouverte leur faisait face.
Cinq jeunes gens à la tête rasée, vêtus de kimonos
blancs sortirent subitement du bois qui entourait la prairie. Ils allèrent
porter secours à l’homme inconscient.
Maya et ses acolytes les regardèrent incrédule.
L’homme reprit ses esprits, il murmura quelque
chose à l’oreille d’un des jeunes gens. Celui-ci vint convier Maya et ses
compagnons à pénétrer dans le temple.
Les quatre autres jeunes personnes aidèrent
l’homme à regagner le temple et à s’installer autour d’une table basse ronde. Agenouillés sur des coussins, le thé
fut servi à toute l’assemblée.
L’homme se présenta comme le sorcier Saeba,
gardien du temple d’Ottaku, l’un des trente- neuf temples originels de
l’Empire, le seul qui n’ait pas été pillé. Le temple abritait Ottaku, la déesse
des rêves. Il leur expliqua qu’il avait dédié sa vie à protéger cet édifice et
qu’il avait comme mission de former son successeur.
Maya demanda ce qu’il avait fait des Budokai.
Il lui répondit qu’ils étaient probablement sur la
route du retour pensant qu’ils seraient chanceux d’être toujours en vie car
cette forêt abrite tant de monstres et de fantômes.
« Que venez vous faire ici? » demanda t-il à son
tour
« Un vieil ermite du nom de Kaduyeri nous a envoyé
chercher une boule de cristal possédant le pouvoir de me renvoyer chez moi »
dit Maya.
Puis elle lui narra son histoire.
« Le grand K » reprit le sorcier, songeur, « Je
suppose que vous venez pour cela » indiquant l’objet situé dans la main droite
de la statue. « Elle a une activité anormale depuis quelques mois, depuis la
pluie d’étoiles pour être exact, je suppose qu’elle annonçait ton arrivée»
Il s’interrompit, la regarda avec insistance, puis
il ajouta
« Avoir un tel pouvoir télépathique sans même
l’avoir pratiqué est inconcevable, avoir réussi à m’imposer ta volonté… » Il ne
finit pas sa phrase.
Lui qui avait devoué sa vie à développer ses
pouvoirs télépathiques. Il réalisait qu’il avait été surpassé par une jeune
fille inconsciente de ses pouvoirs.
Les questions se bousculaient dans la tête de
Maya, elle les exprima de manière peu ordonnée
« Le grand K ? Pluie d’étoiles ?la boule de
cristal ? Pouvoir télépathique ?»
Le sorcier Saeba comprit ce qu’il devait faire.
Alors, il ferma les yeux et croisa les bras.
«Je vais tenter de répondre au mieux à tes
interrogations. » déclara t-il
Toute l’assemblée retint son attention. Tout le
monde était suspendu à ses lèvres.
« Je suppose que si le grand K, qui n’est autre
celui que tu nommes Kaduyeri ne t’a rien expliqué en t’envoyant ici, c’est
qu’il ne t’estimait pas encore prête et qu’il me réservait cette tâche.
Je le rencontrai moi-même quand je n’avais que dix
ans. Il m’amena ici même auprès de la personne qui fut mon maitre pendant près
de vingt ans. Il m’expliqua que j’avais des prédispositions me permettant de
m’introduire dans le psychisme des gens. Je ne compris la véritable
signification de cela que lorsque mon maitre m’enseigna ce qu’il appelait la
télékinésie. Ce pouvoir me permettait d’imposer n’importe quelle image dans
l’esprit des individus. Cependant il y a quelques limitations, notamment avec les
personnes possédant des dons télépathiques, comme toi ma chère Maya ainsi que les
personnes à forte volonté qui ont déjà été soumises à une manipulation de leur
psychisme. Tu es une personne spéciale et ton arrivée sur Eudaimonia n’a rien
d’anodin… »
Il fut interrompu par Ulys
« Qu’est ce que Eudaimonia ? »
Le sorcier s’éclaircit la gorge et reprit
« Peu de gens le savent, mais Eudaimonia est le
nom de cette planète pour la simple et bonne raison qu’à l’origine des temps,
il y a plus de deux mille ans, aussi loin que la mémoire d’homme se souvienne,
il n’y avait qu’un seul et même royaume. Un seul souverain du nom d’Atlas. A sa
mort il divisa son royaume entre ses sept fils qui se firent la guerre pendant
près de mille ans »
« Cela explique pourquoi ils parlent tous la même
langue » pensa Maya tout haut.
Tout le monde la regarda essayant d’interpréter
son commentaire. Confuse, elle demanda au Sorcier de continuer. Il s’exécuta :
« Je disais donc que ton arrivée n’est pas
anodine, ces pluies d’étoiles annoncent
des évènements majeurs. Seulement trois ont été recensées jusqu’à ce jour, la
première annonçait la mort du Roi Atlas provoquant la guerre de mille ans, la
seconde annonçait une période de paix qui dure encore aujourd’hui, donc je
suppose que cette troisième est annonciatrice d’un désastre. Certes il y a
quelques conflits de temps à autre mais rien d’alarmant.
Depuis cette pluie d’étoiles, la boule de cristal
de la déesse Ottaku exerce une activité anormale. Ni moi, ni mon maître ni même
peut être le grand K ne connaissons ses secrets, je ne l’avais jamais vue en
activité avant cela… »
Le Sorcier Saeba finissait ses explications,
l’attention de Maya était maintenant absorbée par la boule de cristal qu’elle
ne lâchait pas des yeux, elle fut envahie d’émotions ambiguës, entre l’espoir,
la joie, la tristesse; serait ce enfin la fin de son périple ? La force lui
manquait.
Ulys la regarda et dit :
« Allez courage ». Il fut également envahi par
l’émotion. Il était sincèrement joyeux
pour son amie mais triste à l’idée que leurs routes se sépareraient lorsque
qu’elle regagnerait sa famille.
Maya finit par se lever, tous les regards étaient
fixés sur elle. Elle s’approcha lentement de la boule de cristal. Plus elle se
rapprochait, plus la lumière devenait intense. Elle en était toute proche
maintenant. Alors, elle tendit la main. Elle se retourna une dernière fois,
regarda ses amis et elle sourit à Ulys. Puis, elle toucha la boule. La lumière
devint éblouissante et envahit toute la salle à tel point qu’elle aveugla tout
le monde. Puis tout disparut sous son intensité…